Bonjour
les amis !
mes coups de coeur, mes états d'âme du 13 avril 2013 |
Coup de balai ? Voici donc que l'ami Mélenchon nous invite à manifester le 5 mai prochain pour réclamer "un grand coup de balai". A première vue, on se dit bien sûr que ce serait une bonne chose, que ce "coup de balai", mais à y regarder de plus près, il y a comme un doute qui s'insinue ... A première vue : oui, cette affaire Cahuzac a quelque chose de particulièrement révoltant, tant par l'injustice qu'elle révèle que par son immoralité. La collusion du pouvoir et de la finance, ces riches qui trichent pour en avoir encore plus et qui dans le même temps organisent les baisses de pouvoir d'achat de celles et ceux qui ont le moins, intolérable ! Pas l'ombre d'un doute là-dessus. Ce Cahuzac là étant pire que Moscovici, il faudrait trouver pour le qualifier un mot pire que "salopard", ça doit bien exister, mais affectionnant peu ce genre de vocabulaire, je m'abstiendrai. Alors, coup de balai ? Pourquoi pas, mais à la condition de ne pas avoir la naïveté de penser qu'il suffirait de remplacer quelques immoraux par d'autres bien plus vertueux : au-delà les hommes, c'est bien tout un système qui est en cause. Mais à y regarder d'un peu plus près, à la lumière de quelques petits faits récents auxquels j'ai été confronté : - il y a 4 jours, une personne appelle pour réserver une de nos chambres d'hôtes pour une nuit. "Je pourrai vous payer par chèque ou faut-il que je prévoie du liquide ?". Quelle question ! C'est vrai que bien souvent, lorsqu'au moment du règlement, je présente une facture, c'est l'étonnement : "depuis une semaine que nous sommes hébergés sur le sentier de St Jacques de Compostelle, c'est bien la première fois que nous avons droit à une facture !". Conclusion : la règle générale ne serait-elle pas ... la fraude fiscale ? - dans les salons du livre comme lors des rencontres d'auteur dans les bibliothèques, j'ai constaté que la plupart des personnes qui souhaitent régler par chèque leurs achats de livres me demandent si j'accepte ce mode de paiement ... Conclusion : identique à celle mentionnée plus haut ? - pas plus tard que tout à l'heure, une de mes connaissances qui a par ailleurs toute mon estime me confiait qu'elle s'apprêtait à faire intervenir un artisan "au noir, parce que sinon, qu'est-ce que c'est cher !" Et je pourrais en citer tant d'autres. Vous aussi, non ? Bon, d'accord, Cahuzac, ce n'est pas au même niveau, sa tricherie porte sur des sommes autrement plus considérables. Mais la fraude à l'impôt ne relève-t-elle pas d'un sport national bien plus pratiqué que n'importe lequel de nos jeux de ballon favoris ? En témoigneraient ces appels réguliers de "conseillers en matière de déclaration fiscale" prêts à nous aider à trouver le bon filon pour nous permettre de payer moins d'impôts. Mais moi, je suis fier de payer mes impôts ! N'est-ce pas là l'un des principaux actes citoyens ? Quand je m'exprime ainsi, la plupart de mes interlocuteurs me regardent comme si je débarquais de quelque planète éloignée du système solaire ... Allez, la cerise sur le gâteau : j'ai un ami qui est artisan. Un bon, comme on dit. Il se défonce, il travaille bien, il a donc du boulot, il peine à faire moins de 50 à 60 heures par semaine. Revenu : pas terrible. Il se refusait à "faire du black". Par éthique personnelle. C'est son comptable qui lui a dit que s'il voulait gagner de l'ordre de 26000 euros par an net (c'est à dire 2000 euros nets sur 13 mois, ce qui est loin d'être énorme vu sa qualification et ses horaires de travail !), il n'a pas d'autre solution que de passer une partie des revenus de son activité hors comptabilité. Oui, ce n'est pas lui qui en a eu l'idée, c'est bien son comptable qui lui a conseillé d'agir de cette manière. Ajoutant que "tous les autres fonctionnent ainsi". La fraude fiscale n'est-elle pas une pratique généralisée à tous les niveaux de notre société ? Je n'écris pas cela pour disculper les Cahuzac et autres personnes de la haute société friands des paradis fiscaux. Mais pour suggérer que, quel que soit l'angle sous lequel on se place, celui de la morale, de l'éthique ou celui du politique (l'impôt comme un moyen de régulation économique et sociale), il n'est peut-être pas juste d'en rester à des positions simplistes, manichéennes. Et pour exprimer un doute sérieux : quelles que soient les mesures qui seraient prises relatives aux pratiques financières des fortunés de ce monde, suffiront-elles pour avancer vers un "vivre mieux" véritable, dans la mesure où les incivilités quotidiennes resteront la règle générale ? Alors, le coup de balai ? Combien seront-ils à défiler le 5 mai prochain et qui continueront à accepter de faire travailler au noir des artisans venant effectuer quelques travaux dans leur logement, réparer leur voiture, ou autre ? (Et qu'on ne vienne pas le justifier par une pauvreté supposée ... les pauvres, les vrais, n'ont pas les moyens de posséder des biens susceptibles de réparations !) N'est-ce pas toute l'organisation sociale qu'il faudrait refonder sur des valeurs civiques réaffirmées, et revendiquées bien haut ? Sans cela, que serait cette VIème République que l'on nous propose de réclamer à cors et à cris ? Pourquoi ne pas le dire clairement ? Du fait de la contradiction qui existe bel et bien entre la revendication d'un authentique esprit civique et le fait de traiter un ministre de "salopard" ? Comment croire une seconde que cette indispensable rénovation sociétale puisse être conduite à coups de mots d'ordre, d'anathèmes, de reluisantes promesses, tant elle est impliquera inéluctablement des remises en cause des comportements à tous les niveaux, sauf à n'être que du vide ? Imaginons malgré tout le coup de balai. Par où commencer ? Par le tout en haut, bien sûr ! Et puis on descend progressivement. Et on s'arrête où ? Où placer la limite, sachant que la différence entre ceux qui seront juste au-dessus et ceux qui seront juste en dessous ne pourra être qu'infime ? Donc, on descend, on descend, ... jusqu'à se retrouver nous-mêmes dans la poubelle de l'histoire ? Mais il y a peut-être plus grave encore : je me suis longtemps interrogé sur les raisons qui poussent régulièrement le peuple italien à confier à Berlusconi la charge de la conduite de l'état. Un article pertinent paru dans le Monde Diplomatique il y a quelques années à ce sujet m'a éclairé : de très nombreux italiens, très habitués à de petits trafics en tout genres, trouveraient en lui quelqu'un qui leur correspond ... Alors, le coup de balai est-il la solution ? Pour tout vous dire, lorsqu'à la maison, je donne un coup de balai pour enlever la poussière, il n'est besoin d'attendre au-delà de quelques heures pour se rendre compte qu'elle est ... déjà revenue ! Claude |