claude 2
Bonjour les amis !

mes coups de coeur,
mes états d'âme du 23 juillet 2013
       

Les précédents "coups de coeurs et états d'âme"

Pour 4 roues et quelques pédales

L'idée m'a pris récemment d'acheter une nouvelle voiture. Enfin non, pas l'idée, mais simplement le besoin : pour moi, une voiture n'est rien d'autre qu'un objet roulant, parfaitement identifié, qui a pour seul intérêt de me permettre de me déplacer d'un point à un autre, et tant qu'à faire, si je peux trouver un itinéraire qui offre à mon regard quelques beaux paysages, je ne saurais me priver de ce modeste plaisir.

Pourquoi en changer ? Parce qu'il arrive un moment où l'usure naturelle peut rendre incertaine une bonne arrivée à destination. J'ai adopté pour principe de provisionner au fil des distances parcourues de quoi acheter un nouveau véhicule lorsque son kilométrage aura atteint les 150 000 kms. Lors d'un récent passage chez mon garagiste préféré, j'ai fait le double constat
- de réparations assez importantes à effectuer sur mon ancienne voiture
- que la somme provisionnée était égale au prix d'un véhicule neuf déduction faite des remises qui sont toujours d'usage (au fait, pourquoi un prix assorti systématiquement de remises, et non un prix affiché plus bas ????).

Donc j'ai passé commande. Et c'est là que la belle aventure commence ....

Rencontre avec le commercial !
J'avais le catalogue, avec le descriptif des options, les tarifs : ma demande était donc définie. Moins d'une minute après que l'entretien avec le commercial ait débuté, je l'avais exprimée. Dans un premier temps, il a fait mine de ne pas l'entendre, commençant à débiter le discours qui aurait pu me convaincre d'en rajouter au-delà de mon besoin réel : j'ai coupé court, assez sèchement, mais avec le sourire. L'impression que je venais de lui couper l'herbe sous les pieds.

Des sous !

J'ai quelques économies, réparties sur quelques livrets , j'ai donc pris rendez-vous avec mon conseiller financier favori pour qu'il me dise où débloquer l'argent, nous commençons à nous bien connaître, il apprécie mes livres, j'aime bien son état d'esprit.
- Dans votre situation, le mieux pour vous serait de faire un prêt. Je vais vous expliquer.
Donc il m'explique, j'écoute, puis je questionne :
- Mais pourquoi faire un prêt alors que j'ai l'argent ?
- Vous n'avez pas bien compris, je recommence.
Et il repart dans la démonstration qu'en faisant un prêt - évidemment "à un taux intéressant" - je serais "gagnant".  J'écoute, puis questionne à nouveau :
- Un prêt, c'est bien fait pour quand on n'a pas l'argent, non ? L'argent, je l'ai !
Il me regarde, il commence à bien me connaître, il sourit légèrement, puis sur un ton qui ressemble à celui de l'excuse :
- Je fais mon travail ...

Plus tôt que prévu !
3 ou 4 semaines avant la date de livraison annoncée, je reçois un coup de téléphone du commercial m'annonçant "la bonne nouvelle" que ma voiture est disponible, je n'ai plus qu'à prendre rendez-vous. Je ne saute pas de joie, j'accueille son information sous un angle purement factuel, dénué de toute émotion du fait qu'aucune ne me traverse à ce moment-là, parce que pour moi, tout cela ne relève que de l'anodin. Et en prenant en compte mon programme pour les jours et semaines suivantes, je décline sa proposition d'une livraison anticipée. Il insiste - y aurait-il intérêt d'une quelconque manière ?- mais en vain. L'impression qu'il ne comprend pas ... aurais-je dû m'enthousiasmer, me précipiter, le remercier peut-être ?

Démarche qualité
J'ai la voiture, elle roule, ça me convient. Le lendemain de la livraison, le commercial téléphone chez moi pour me demander comment tout cela s'est passé, mes impressions sur les premiers kilomètres, ... Je ne suis pas là, je sais qu'il rappellera un jour prochain. Ce qu'il a fait.
- Alors cette nouvelle voiture, les premiers kilomètres, qu'est-ce que ça donne ?
- C'est une démarche qualité ?
- (surprise, petit temps de silence). Oui, c'est cela. Je voudrais savoir comment s'est passée la prise en main de votre nouvelle voiture.
- Vous êtes inquiet ?
- ...
- Votre appel m'inquiète. Sérieusement. S'il n'y avait aucune raison que j'aie des problèmes, vous n'auriez pas besoin d'appeler. Si vous me posez cette question, c'est que vous n'êtes pas sûr de vous. C'est pas rassurant, vous savez ?
Non, il ne sait pas. Il n'a jamais pensé comme cela. D'ailleurs il est probable qu'on ne lui ait jamais donné l'occasion de réfléchir sur le contenu de ces démarches qualité qu'on lui demande d'effectuer "parce que cela fait partie du profil de poste". Ou alors, c'est un "qualiticien" convaincu, il croit dur comme fer que la "satisfaction client" est une noble cause. Attention, ne me faites pas dire le contraire ce que je souhaite exprimer :
bien faire son boulot, c'est important. Cela permet de répondre aux besoins de ceux pour qui on travaille, tout en se valorisant personnellement. Mais c'est la conscience professionnelle, ce mélange de savoir faire, de rigueur, et d'esprit citoyen, qui devrait en être le moteur, et non cette forme de condescendance qui se développe sous les fameuses démarches qualité.
Appellation frauduleuse, d'ailleurs : lorsque je travaillais, un ingénieur qualité tenait le discours que notre devoir était de travailler dans la conformité : faire du mieux possible ce que l'on nous demande de faire. Alors que la qualité renvoie au sens même du travail à réaliser. Ne pas se poser de questions inutiles, conseillait-il. Quelques temps plus tard, on me donne le plan d'une pièce à réaliser au tour. Je repère une erreur de cote : le diamètre extérieur de la pièce en forme de tube cylindrique est coté inférieur au diamètre du trou qui le traverse. J'usine donc la totalité du morceau de métal, le transformant intégralement en copeaux, puis dépose le plan sur l'étagère destinée à recevoir les travaux finis. Lorsque le demandeur vient récupérer sa pièce, je réponds à son étonnement en lui expliquant que j'ai appliqué le principe de faire de la conformité, sans me poser de questions inutiles ....

Retour à la discussion avec le commercial : elle ne s'est pas éternisée ... L'impression qu'à nouveau, il n'y comprenait rien du tout. Alors je lui ai envoyé le courriel suivant :

Cher monsieur X...,

J'ai bien compris que mon attitude en réponse à votre appel téléphonique vous a quelque peu désarçonné. Il est vrai que j'avais l'avantage d'avoir pu me préparer quelque peu. Pour vous expliquer : le plus simple serait, si vous êtes lecteur, que vous lisiez le roman "En scène" dont je suis l'auteur, et qui parle de ces scènes de théâtre, sur figures imposées, qui émaillent de plus en plus nos vies quotidiennes, nous faisant perdre nos consciences citoyennes, et plus rarement heureusement, ... le Nord.

La 4ème de couverture : http://claude.rouge.free.fr/En_scene.html

Pour avoir travaillé de longues années dans le milieu industriel, pour y avoir été confronté à des notions telles que "l'obsession du client" à laquelle mes responsables ont tenté, sans succès, de me faire adhérer, je sais bien que derrière tout cela, il y a la concurrence, c'est à dire la guerre économique vis à vis de laquelle je me considère comme un objecteur de conscience résolu.
S'il ne s'agissait que d'un débat de société ... mais des personnes en souffrent tous les jours, parfois en meurent, on appelle cela la souffrance au travail ...
En espérant vous avoir éclairé quelque peu sur les fondements de mon propos téléphonique, je viens vous rassurer, les 4 roues de la voiture sont toujours à leur bonne place, et quand j'appuie sur les pédales, ça avance. Mon besoin est donc pleinement satisfait.

Bien cordialement à vous,


Quel en aura été son accueil ? Dans un monde où ce qui semble légitime à faire objet de débat quotidien se réduit de plus en plus, je continuerai inlassablement à poser des banderilles chaque fois que l'occasion s'en présentera, pas pour blesser l'autre, mais pour l'inciter à réfléchir tant soit peu à nos actes, nos fonctionnements, et nos ... dysfonctionnements.

Claude