L'héroïsme ne germe que sur des champs dévastés
20h : mains
qui claquent aux fenêtres, nombreuses, peut-être,
quel est le moteur ?
Bien
sûr, le don de soi, altruiste, si
anachronique dans notre monde où l’individuel est porté au
pinacle,
bien
sûr les prises de risques pour sauver les autres,
bien
sûr, nos peurs, et
parce que nos peurs le
besoin d’être rassuré, si
le
virus nous attrape,
y aura-t-il
encore quelqu’un
pour bien s’occuper de nous ?
mais
la bravoure, la performance, les exploits ?
Bien
sûr le sens du devoir, avec
en arrière plan la
conscience
professionnelle, tant
brocardée, tant démolie à coups de consignes de poste,
d’automatisation, au nom d’une modernité imposée,
mais
la bravoure, la performance, les exploits ? Avons-nous
besoin de héros ?
20h : mains
qui claquent aux fenêtres, nombreuses, peut-être,
mais
quoi dans les têtes ?
Combien
sont-ils à leur fenêtre à avoir soutenu les soignants lorsqu'ils
se sont mobilisés, sans réel succès, pour la défense de l'hôpital
public et pour protester contre la réduction du nombre de lits,
contre la diminution des effectifs ?
Que
feront ces applaudisseurs de 20h après-demain lorsque les soignants
seront à nouveau en grève parce que leurs conditions de travail
seront
toujours
aussi insupportables
?
Combien
sont-ils prêts à donner au pot commun (c’est à dire par l’impôt)
pour que l'on ait un service public de santé de qualité, qui
permette que les soignants soignent, avec toute la reconnaissance que
nous leur devons, mais sans que cela relève de l'héroïsme ?
Et
puis,
les agriculteurs qui travaillent à produire ce dont nous
allons avoir besoin dans les semaines à venir pour nous nourrir,
les
transporteurs qui permettent que l'on trouve les produits dont nous
avons besoin,
les
policiers et gendarmes qui font la chasse aux inconscients,
et
tant d'autres qui bossent en prenant des risques parce qu'aucune
mesure n'est suffisamment efficace pour nous préserver,
faudrait-il
aussi les applaudir ?
L’empathie
est belle, mais les dévotions à l’héroïsme ?
20h : mains
qui claquent aux fenêtres, nombreuses, peut-être,
mais
quoi dans nos
corps ?
Un besoin d’être avec les autres, de ne pas se
sentir
isolé.
Partager
un rituel pour être
entouré, en lien avec le voisin, et le voisin du voisin, et
l’autre aussi là-bas plus loin, et tant pis pour celui-là qui
garde sa fenêtre fermée,
en
lien,
en
liens,
tant
de
liens,
prémices
d’une solidarité véritable dont nous allons avoir bien besoin
pour l’après,
pour
construire
ce nouveau monde que nos claquements de mains appellent ?
L’héroïsme
ne germe que sur des champs dévastés.
Qu'avons-nous
fait hier pour qu'il n'en soit pas ainsi ?
Que
ferons-nous demain ?
Claude
|